Aujourd'hui ils élèvent leurs poules pour les vendre à des collectionneurs, ou à des gens qui tout simplement veulent un peu de compagnie. D'après Pascale, "elles ont chacune leur caractère : les plus maternelles, les plus débrouillardes, les plus coquines;..." Elle aime observer leur comportement, écouter leurs chants, composés de vingt-cinq cris différents. Elle avoue avoir un petit faible pour son magnifique coq gaulois, fier, qui se tient bien droit sur son épaule et la "coiffe" avec ses pattes. Quant à Jacques il faut le voir prendre dans sa main une petite poule un peu patraque et lui caresser la tête :elle est toute pâle..." Mais, bons vivants, ils aiment leurs volatiles dans leur ferme comme dans leur assiette, expliquant avec délice leurs recettes préférées : les plus simples.
Pascale déteste qu'on qualifie ses poules rares d'ornementales. Si les gens choisissent une poule majestueuse comme animal de compagnie, ce n'est pas seulement pour décorer : selon elle, la poule suscite un sentiment de "sécurité" chez l'homme, vestige d'une agriculture vivrière où elle était précieuse, car elle se nourrit de peu et produit des oeufs aliment riche. Et si ce temps revenait, celui qui possède une poule a déjà beaucoup. Alors, Pascale et Jacques nous paraissent infiniment riches, au milieu de leurs compagnons à plumes, dans leur ferme simple et ravissante, inondée par la lumière déclinante de cette fin d'après-midi.
par Christine Brulé et Amélie Le Renard
dans Ouest-France Dimanche du 7 Octobre 2001 - Cahier Familles
Pascale et Jacques Nuttall regardent leurs poules avec amour. "Un jour, la passion des poules m'est tombée sur la tête" affirme Pascale, dans son élément au milieu de ses "chéries". La Ferme de Keres, charmante dans le relief vallonné des Côtes d'Armor, abrite canards, dindons, oies, cochons, chat et... des centaines de poules, de quatre-vingt-dix-sept races différentes, rares ou rustiques : Padoue, Hambourg, Nagasaki, etc. Tout ce petit monde-là se côtoie sans souci, excepté la menace du renard qui guette...
Pascale et Jacques habitent là, disent-ils,"depuis la nuit des temps". En fait ils ne sont là que depuis six ans, mais ils avaient cette vie dans le coeur depuis toujours : ils ont trouvé leur voie! Pourtant, il y a quelques années, Pascale citadine doctorante en sociologie et Jacques, ingénieur à Lannion, n'auraient jamais pensé se lancer dans l'élevage de poules rares. Dans leur grand jardin Pascale trouvait que ça manquait d'animal. Jacques cède à condition que le nouveau venu soit utile : ils se mettent d'accord sur les poules, pour les oeufs. Lors de l'achat, le fermier en blottit une dans les bras de Pascale : "j'ai réalisé deux choses : elle était chaude et son coeur battait" . C'est ce fameux jour que la passion des poules lui est tombée sur la tête, point de départ d'une fascination inouïe : "j'ai passé des heures devant mes deux poules, à les regarder".Et puis au fil des saisons, un petit coq, donc des poussins, et trois poules nègre-soie les rejoignent. Pascale termine sa thèse, Jacques est licencié, le voisin ne supporte pas le chant du coq : les circonstances sont réunies pour que le couple s'installe à la Ferme de Keres, leur coup de coeur : "on étaient faits l'un pour l'autre et on étaient faits pour Keres...".`